La boutique

Il y a de ça quelques mois on m'a dit que je devrais aller travailler en boutique, afin de saisir l'esprit de la marque depuis le contact client, ce qui me paraît être très logique. Hier était mon premier - et comme vous allez le voir - mon dernier jour. Compte-rendu.

10h30 : j'arrive au magasin, les pieds dans les starting blocks, prêt à vendre le stock tout entier.

10h46 : un collègue me demande d'où je suis. Je réponds que je suis français

11h00 : le livreur de l'entrepôt arrive au magasin avec plein de fringues à ranger, je le salue vu que je travaille tous les jours avec lui dans les bureaux, et il faut que je lui explique qui je suis pour qu'il me reconnaisse. 

11h14 : je me suis planté en mettant les alarmes, du coup toute une série de pantalons ont 3 alarmes. J'enlève les alarmes qu'il y a en trop.

11h15 : mon collègue me demande d'où je suis. Je réponds "de France". 

11h18 : j'en ai marre d'enlever des alarmes, du coup je décide de laisse un quinzaine de falzards avec 3 alarmes, "comme ça on est sûr que personne pourra les tirer" je pense. 

11h45 : mon collègue me demande pour la troisième fois d'où je suis. Je suis tenté de lui répondre que je suis hindu (est-ce seulement une nationalité ?) et de m'enturbaner pour le reste de la journée.

11h52 : un client m'adresse la parole pour savoir où sont les chemises. Elles sont sous ses yeux. 

11h55 : le même client ne sait pas si prendre la chemise blanche à rayures bleues ou la chemise blanche à rayures bleues claires. Je lui propose d'essayer les deux et visiblement change sa vie, il est complètement bouleversé et me remercie mille fois sur le chemin des cabines d'essayage. Une fois arrivé là-bas, je lui demande quelle est sa taille et il me dit "aucune idée". Je décide qu'il fait du 39, puisque c'est celle que j'ai dans les mains. 

11h59 : j'essaye de rentrer dans le mini entrepôt où se trouve le stock de vêtements mais impossible : il y a trop de vêtements à l'intérieur du stock. Je décide donc d'attendre l'arrivée de quelqu'un de plus fort que moi pour ouvrir la porte et me sens comme en 6ième quand je portais mon sac Lafuma et qu'on m'appuyais dessus pour me faire tomber. 

12h01 : le boulet qui sait pas sa taille s'approche de moi pour me dire qu'en fait il pense qu'il fait du 38. Je décide secrètement de lui amener un 37, un 38, un 39 et un 40 pour pas qu'il m'emmerde plus que ça.  Pendant ce temps, une mère de famille me demande si elle peut avoir le modèle de basket qu'elle a dans la main, mais en 40. 

12h03 : alors que je m'apprêtais à aller voir sur l'ordinateur si on avait effectivement une paire de 40, mon collègue part vers le stock. Je décide donc de l'accompagner. La cliente qui attend la paire de basket me coupe la route et me demande si on l'a en 41. Je lui réponds en souriant que je regarde dès que j'ai servi ce monsieur des cabines (qui me fait coucou de la main et par là-même un peu peur). 

12h05 : je dis à mon collègue qu'entrer et sortir entier de notre mini entrepôt devrait être considéré comme un sport olympique et on rigole. En sortant je largue - littéralement - les chemises à l'autre benêt qui me dit - alors que je m'éloigne - qu'en fait il pense qu'il fait du 37.

12h06 : la mère de famille me suit partout dans le magasin avec sa chaussure à la main. Je regarde l'entrepôt en ligne et je vois qu'il nous reste un 41 mais impossible de mettre la main dessus.

12h17 : après avoir cherché 10 minutes avec l'autre grognasse sur le dos, elle se rend compte qu'elle a le 41 dans la main. Je souris très fort mais une larme coule sur ma joue. 

12h18 : "en fait je pense qu'il nous faudrait plus un 40". Je pars pleurer de rage aux toilettes.

12h26 : mon client qui ne sait pas sa taille me demande si on a du 41. Il l'achète sans l'essayer. 

12h41 : un client australien rentre dans la boutique et je pense "toi mon con tu vas prendre pour tous les autres". J'échange quelques mots et je prends chaque mention de modèle pour un appel à l'achat. 

13h32 : j'ai ramené 15 modèles de chemise différents pour l'australien qui se met à oilpé en plein milieu du magasin pour les essayer. J'essaye de le convaincre de se diriger vers les cabines d'essayage, en vain.

13h33 : la mère de famille revient et me demande combien de temps ils ont pour changer les chaussures si jamais la taille ne va pas. 

13h35 : j'ai réussi à convaincre l'australien de ne pas effrayer la populace en exhibant son corps poilu devant tout le monde. Sa femme l'a rejoint et je lui refourgue tous les modèles possibles et imaginables de robes. 

13h36 : ça fait une heure que je ne parle qu'anglais, tant et si bien que quand ce mec me demande pour une paire de baskets, je lui réponds à moitié en anglais et en espagnol. Incompréhensible.

13h40 : l'australien repart avec 5 chemises et sa femme avec 3 robes. Je suis bien content.

14h10 : je ne sens plus ma jambe gauche, aucune idée de où j'ai pu la laisser. Je boîte de ce fait comme un gobelin. 

14h12 : un client s'est approché de moi pour me demander quelque chose, mais a eu un violent geste de recul en me voyant boiter comme un gobelin. 

14h30 : je pars en pause. 

17h00 : je reviens au magasin. Je n'ai pas eu le temps de reposer mes jambes, mais le boitement a disparu. Mon corps a je pense compris que cette torture n'arrêterait pas avant la fermeture du magasin et  a donc décidé de cesser de m'emmerder avec la douleur.

17h15 : un client me demande une première chemise en 38, mais me dit qu'il cherche en réalité une autre chemise. Je lui donne la première en 38 et me met à la recherche de l'autre en 38 aussi. En revenant, il a essayé la première chemise et me dit "mais c'est beaucoup trop petit !". Problème : l'aure chemise n'est disponible qu'en 38. Il me dit alors qu'il préfèrerait essayer la première mais en 39.

17h19 : j'ai réussi à convaincre ce retardé qu'il pouvait essayer l'autre chemise pendant que j'allais chercher l'autre en 39. Je pars à l'entrepôt et j'y croise mon collègue à qui je fais la blague du sport olympique. Il rigole mou. 

17h21 : je lui amène la première chemise, mais en 39. Il sort outré de la cabine en me disant "je ne sens plus le sang dans mes mains". Je reste calme et lui tend la première en 39. Il me regarde et a un mouvement de recul. J'ai peur de m'être remis à boiter, mais en fait non, c'est juste qu'il est complètement fou. Il conclue par "je préfère ne pas l'essayer, l'autre était tellement petite...". J'ébauche dans ma tête l'éventualité de lui expliquer la raison de l'existence des tailles, puis je contrepèse avec sa folie et me dis que ça ne vaut absolument pas la peine. Je lui dis plutôt "voulez-vous que je voie dans une autre boutique si l'autre chemise est disponible en 39 ?" il me répond "ah oui je veux bien" et s'en va. Je pars pleurer de rage aux toilettes.

18h00 : un client entièrement habillé de la marque pour laquelle je bosse entre et me dit "sors moi ça" en me montrant du menton une tringle avec une vingtaine de bermudas tous différents. Je lui réponds "ça ?" en montrant un bermuda, il me dit "non ça" en utilisant une fois de plus son menton. Moi : "ça ?" lui : "non ça".

18h15 : j'en suis à l'avant dernier modèle de bermuda je pense qu'il le fait exprès.

18h16 : en fait il voulait le premier, mais il avait peur d'utiliser son doigt pour me le montrer je pense. Quand je lui dis "OK, quelle taille ?". Pour unique réponse j'ai un râle suivi d'un long souffle et enfin d'un "aucune putain d'idée". 

18h23 : je reviens avec trois modèles de bermudas sélectionnés par le menton de mon client dans un éventail de tailles. Il m'indique alors qu'il veut une chemise. Je vais vous épargner le processus de sélection.

18h41 : mon client ressort de la cabine et s'achète les deux bermudas plus une paire de pompes. Je lui dis merci et glisse un petit "on aura bien rigolé" entre mes dents.

19h00 : on atteint le niveau le plus What The Fuck* de toute la journée : une bonne femme prends toutes les paires de chaussures et les aligne sur un banc dans le magasin pour, je cite, faire des photos pour son fils afin que ce dernier sélectionne la paire qu'il souhaite et qu'elle lui achète. Je pense très fort à Maman et aux baffes derrière la tête que je recevais en guise d'éducation. 

19h14 : réponse du fils "on voit rien à tes photos de merde". 

19h42 : je remballe toutes les paires de chaussures que la gonzesse a éparpillé : finalement le mioche veut celles de la première photo.

20h00 : un client me demande un pantalon, je pars lui chercher à l'entrepôt. J'y croise mon collègue qui y aura passé la journée à tout y réorganiser. Je lui fais ma blague sur le sport olympique mais ça le fait plus rire du tout.

20h01 : mon client qui voulait le pantalon s'est barré. 

20h13 : un jeune me demande un pantalon beige (38), un polo bleu marine (S) et une paire de baskets (40). C'est pour une communion. On s'y met à deux avec ma collègue. 

20h17 : finalement il prendra le pantalon de l'autre couleur.

20h19 : finalement il voudrait le polo en M. 

20h21 : finalement il voudrait la paire de baskets en 41.

20h23 : finalement il prendra une chemise rouge.

20h25 : finalement il prendra un bermuda blanc.

20h27 : finalement il prendra une paire de chaussures de ville.

20h29 : fina... je pars pleurer de rage dans les toilettes.

20h35 : quand je reviens, il est à la caisse et achète exactement tout ce qu'on lui a amené la première fois. Je repars pleurer de rage dans les toilettes.

20h58 : plus qu'un client - celui qui vient d'entrer - et c'est la fermeture ! Cool !

21h02 : j'amène la veste et le pantalon que ce dernier client me demande. Je le laisse dans la cabine d'essayage. 

21h14 : c'est maintenant la troisième veste que je lui amène, je sais que ce type ne prendra rien.

21h25 : le mec ressort de la cabine et me lâche "je vais réfléchir un peu". Je pars pleurer de rage dans les toilettes.

21h30 : mes collègues viennent me chercher et c'est la fermeture ! Je me traîne jusqu'à la maison tel un mollusque et me dit "VIVEMENT LE BUREAU !".


*Maman, Papa, je sais que vous me lisez et que vous ne comprendrez pas What The Fuck. Cliquez ici.

2 commentaires:

  1. bref, tu as passé une journée à la boutique! sympa le papier

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    1. Effectivement c'est assez brefesque, c'est ce que je me suis dit a posteriori !

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