L'escalade

Que retirer des élections du weekend passé, que penser de celles du weekend à venir ? Il y a tellement de choses à dire, et si peu de gens, si peu de journalistes en particulier dont c'est pourtant le rôle, à le dire... Qu'on se prendrait bien au jeu et qu'on disperserait volontiers tout le bien qu'on pense de notre beau pays et de ce que ces élections signifient dans la course à la Présidentielle vers laquelle Marine Le Pen et le Front National sont lancés et, je n'en doute pas un seul instant, que ce parti finira par gagner sauf revirement de situation complètement improbable.

Mais je ne suis pas journaliste, je ne suis qu'un citoyen de plus. Un citoyen qui vit à l'étranger de surcroit, alors je vais me limiter à vous fournir ce que moi je pense de cette actualité, ce qu'elle m'évoque, et pourquoi je pense que la France est gentiment, tout doucement, en train de basculer dans une haine dont elle ne pourra pas sortir gagnante.

Ces sentiments là se regroupent à mon sens en trois ensembles. Je trouve, mais peut-être ai-je tort ? - qu'aucun journaliste n'en parle, ou tout du moins que personne à mon sens ne soulève vraiment ces problèmes-là.


1. Nicolas Sarkozy

Je parle en premier lieu de l'ancien Président de la République pas uniquement parce qu'il représente tout ce que je trouve de plus détestable dans notre démocratie, mais bien parce qu'il a joué le rôle d'un accélérateur. À l'image d'un business angel, comparaison entrepreneuriale qu'il apprécierait sans doute particulièrement, Nicolas Sarkozy s'est appliqué à remodeler l'État en détruisant tout ce qui faisait de la France un État afin d'en faire une entreprise.

C'était une mode des années 2000, pas vraiment disparue d'ailleurs, que de penser l'État comme un groupe dont l'unique but était de faire des entrées d'argent. Une mode que notre Président a partagé avec un autre dirigeant européen, et pas des moindres : Silvio Berlusconi. C'est pour moi la première atteinte à l'image de la France puisqu'on détruit l'idée d'État et la remplace par l'idée d'entreprise.

Puis évidemment comment parler de Nicolas Sarkozy sans parler de l'application presque méthodique qu'il a eu à déconstruire la fonction présidentielle ? "Erreurs" volontaires de langage, vulgarisation de l'office, communication basée sur la presse dite people... Bref, beaucoup de volonté pour se rapprocher de celui que le Président appelle "le peuple" et qu'il méprise probablement plus que De Gaulle et Mitterrand réunis, mais qu'il s'applique à attirer en flattant le côté potache que les français peuvent avoir.

C'est enfin, pour ne rien gâcher, Nicolas Sarkozy qui a le plus joué des relations avec le FN. Au moment de son élection en allant pêcher ses électeurs afin de se faire élire (d'où les 53% au deuxième tour), puis pendant son mandat, avec le débat sur l'Identité Nationale, un débat d'idées très intelligent comme on a pu le voir et qui a vraiment tiré la Nation vers le haut et duquel d'ailleurs aucune conclusion n'a été tirée si ce n'est que l'on partage notre territoire avec des abrutis pour qui être français c'est manger du sauciflard et boire du rouge - le même gros rouge qui tâche que Nicolas Sarkozy avait réclamé de ses vœux pour ces débats.

Bref un fail total sur toute la longueur pour un Président qui n'a d'estime que pour lui-même et dont les idées volent en rase motte pour finalement aller s'écraser dans la fange sur laquelle Marine Le Pen est assise. À force de dire aux français que ceux-ci ont "raison" de se sentir violer dans leur identité nationale lorsqu'ils croisent une femme voilée, ils ont fini par le croire. Sauf que comme Nicolas Sarkozy a déçu à trop promettre, ils sont allés chercher ceux dont c'est le fonds de commerce et qui en parlent comme personne.


2. Sous et éducation.

Mais ne soyons pas malhonnêtes, Nicolas Sarkozy n'est pas le seul responsable. Évidemment, il entre dans la grande et belle lignée des Présidents ou Premiers Ministres qui sont allés piocher dans l'Éducation Nationale pour trouver de l'argent. Mais j'inclue ici les ministres et gouvernements de gauche, bien trop heureux de trouver une tirelire qui commence quand-même à sévèrement s'étioler. Sur le plan intellectuel, c'est bien entendu un désastre. L'argent étant le nerf de la guerre, le retirer c'est bien entendu empêcher d'agir. L'Éducation Nationale sans un sou, c'est comme dire "je parierai bien sur le futur de ma Nation, mais on va quand même jouer plus sûr et plutôt voir ce qu'ils font sans aucun moyen". C'est encore une fois un discours très habituel pour tous ceux qui comme moi ont travaillé dans des départements créatifs dans le privé : "on n'a pas d'argent, mais sois créatif". Sauf que voilà, sans prof, sans moyens, sans argent, comment on fait vivre les mômes dans les écoles, comment on les prépare à l'avenir, comment on leur inculque un certain nombre de valeurs ? Réponse : on ne le fait pas.

Si on regarde bien, le FN fait un tabac chez les 18-32 ans. Et voyons voir, cette politique de la recoupe budgétaire remonte à quand ? Ah tiens, comme c'est étrange, à quand la droite est arrivée au pouvoir en 1995 avec Alain Juppé. Si vous êtes nés dans les années 80 comme moi, vous vous souviendrez des grosses grèves d'alors dans votre collège/lycée. C'était pour ça. Des têtes mal remplies, ça fait des votants abrutis. C'est pas de la magie - même si ça rime -, c'est juste de la logique.

Bien entendu, nos politiques ne sont pas les seuls sur lesquels il faut taper, la crise n'a pas aidé grand-monde. Si déjà il n'y avait pas d'argent avant, alors je vous laisse imaginer après. Et qui a payé les recoupes une fois de plus ? Ça nous promet de belles perspectives pour dans 10 ans ça ! Le FN peut dormir sur ses deux oreilles, il est en passe de devenir le parti le plus florissant de France.


3. "Vote contestataire".

Enfin, et non des moindres, j'aimerais que quelqu'un, un journaliste, un chef de rédac, quelqu'un, à ce niveau même n'importe qui, réclame qu'on arrête de parler du vote FN comme d'un vote contestataire. 

En premier lieu parce qu'il n'y a pas de vote contestataire, ça n'existe pas. Personne ne s'est levé un matin et a pensé "tiens, j'ai des idées de gauche, mais pour faire chier le monde, je vais aller voter pour un candidat prônant la haine". Personne ne pense comme ça. À partir de là, on peut parler de vote de la peur, parce que c'est probablement ce qui les amène à voter FN, ou de votants perdus, mais certainement pas de vote contestataire. Les gens réclament des solutions, mais ne voudraient pas que ces solutions leurs donnent des maux de tête. Or quoi de pire que la crise des subprimes, la crise politique, les évolutions de nos sociétés, pour donner des maux de tête ? Le FN propose des solutions très simples à des problèmes extrêmement simplifiés, comment peut-on encore s'étonner de leurs scores à toutes les élections ?

En second lieu, même si un vote contestataire existait - et je répète que d'après moi il est inexistant - il ne devrait pas être encouragé. Or, en parler comme d'un vote contestataire, c'est encourager le vote FN. Ça fait passer la pilule, on est décomplexé. Alors que justement, il ne faut pas se tromper : si on vote pour les idées d'un homme ou d'une femme qui pense que les noirs grimpent aux arbres pour manger des bananes, que les arabes jouent du couteau et que les juifs comptent leur or le soir après dîner, on valide ces idées-là. Et c'est comme ça que l'on retrouve Marine Le Pen dans toutes les émissions possibles et imaginables du PAF. Donc si vous votez FN à cette élection ou à n'importe quelle autre élection, n'oubliez pas que vous êtes raciste, et que vos idées fleurent bon les années trente. Ayez au moins le courage de vos médiocres opinions et admettez que vous votez FN parce que vous êtes xénophobes et racistes. Merci. 

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