Les amis

"Et voilà, c'est comme ça que je suis arrivé à Madrid. Et toi ?".

Et moi ?

Quelle histoire pourrie non mais sans déconner. Enfin pourrie... quelle "non-histoire". C'était tellement chiant par anticipation que je n'ai même pas écouté ce que ce pauvre mec m'a dit. À la troisième syllabe j'étais déjà ailleurs. Aucune idée de combien de temps son histoire a duré, je me suis contenté de hocher la tête en marmonnant de temps un temps "ah d'accord".

Quand j'étais en quatrième, à la réunion parent-prof, ma prof d'italien a dit à ma mère que j'avais "le pouvoir de zapper". Je n'avais pas bien saisi ce qu'elle voulait dire par là. 15 ans plus tard, je saisis l'ampleur et l'utilité d'un tel pouvoir.

Et moi ?

Pas une semaine, pas une semaine et presque pas une heure ne passe sans que je ne me pose cette question. Et moi ? Comment suis-je arrivé à Madrid ? Pourquoi y suis-je resté ? Qu'est-ce que j'y cherche ? Qu'est-ce que j'y trouve ? Il y a des soirs où l'on a envie de rentrer, des soirs où la fatigue l'emporte. Il y a des soirs où ma tête est dans ma main qui est elle-même posée sur mon avant bras. Le coude enfoncé sur la table, je n'arrive même pas à faire semblant de m'intéresser au discours de ce jeune cadre dynamique qui a quitté la France parce qu'il voulait "vivre l'aventure". 35 ans, en colocation, je me sens tellement en décalage, marié à 27 ans.

"Et toi ?"

Merde, je l'ai relancé mais je sais même plus sur quoi. Bah je vais lui dire que je bosse dans la com' ça l'occupera. Pourquoi les gens que je rencontre sont toujours chiants ? Pourquoi est-ce si compliqué de rencontrer des gens drôles et passionnants ? Peut-être qu'au fond on est tous un poids pour les autres.
Mon père m'a dit trois choses très importantes dans ma vie. La troisième, c'est qu'on est toujours le con de quelqu'un. Et moi ?

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