La semaine sainte

Voilà, c'est lâché. La "Semaine Sainte". Comme quoi, tout est possible. Même que je me retrouve entouré de dévots à regarder des scènes de la Passion du Christ dans les rues de Séville.

Semana Santa

C'est qui ?
Alors d'abord il faut savoir que de ce côté-ci des Pyrénées, le lundi de Pâques est plutôt boudé. Évidemment, toutes les Communautés Autonomes ne sont pas d'accord, mais en gros, le lundi on travaille, et le jeudi et vendredi précédents, on est peinard. Du coup ça vous fait un long weekend pour aller voir Jésus se faire condamner, Jésus se faire fouetter, Jésus se faire moquer ou même Jésus se faire clouer... Plus on descend vers le sud de l'Espagne et plus les traditions religieuses sont fortes, donc même si la semaine sainte est partout en Espagne (et dans une bonne partie de l'occident) synonyme de mort du Christ et de deuil, c'est en Andalousie qu'elle se vit avec le plus d'intensité.

C'est quoi ?
C'est le deuil, fatalement, du barbu. Celui qui est mort sur la croix pour racheter nos péchés à tous. Sauf que bon, même si tous les chrétiens sont un peu peinés par sa disparition, là bas ça ne déconne pas. Les femmes portent un voile, tout le monde est sur son 31 et y'a la queue pour entrer dans l'église !!!

Couple
Et le clou (hahaha ! pardon) du spectacle, ce sont les processions. Oui parce qu'au début, les gonzes se contentaient de déambuler dans la ville, habillés en pénitents (on dirait des membres du Ku Klux Klan, c'est chaud), et de se repentir, eux et toute leur communauté, du mal fait au cours de l'année, le tout dans le souvenir de la mort du Christ. Oui bon et aussi de se fouetter en faisant des autodafé. Mais au fil des ans, ils ont littéralement pété les plombs, et ont décidé de fabriquer des représentations, la plupart du temps en bois, de la Passion du Christ. Ils s'organisent en hermandad c'est-à-dire en "fraternité", et tous les ans, en signe de deuil donc, ils baladent leurs constructions dans toute la ville.

Ce que j'en ai vu
Ma pote qui nous a accueilli là-bas nous a prévenu quelques mois auparavant : pas besoin de se faire les quatre jours à Séville parce qu'il y a de quoi littéralement devenir fou, donc on va s'en tenir au jeudi dans la journée et la nuit, et après on partira faire un tour dans le sud. Première note mentale : les gens à Séville aussi disent "le Sud". Deuxième note mentale : elle est en train de nous enfler, elle veut rentrer chez elle et ça l'intéresse pas de voir les encagoulés se fouetter le dos. Une fois sur place, on sent une ambiance particulière. D'abord parce qu'on croise ce genre d'individu à tous les coins de rue

Street Style

mais aussi et surtout parce que bon, c'est assez blindé partout. Petite visite de la ville, c'est fait assez rapidement, c'est pas non plus Chicago hein, c'est mignon et tout (j'en profite pour vous dire que si vous avez instagram, vous pouvez me suivre : @charleddy, vous verrez mes superbes photos avec un filtre avant que Zuckerberg ne me les vole) mais en 1 heure c'est plié. Et puis après, patatra : la pluie. Et c'est là qu'on prend vraiment la mesure de l'événement. Les gens en pleurs, les gueules longues de 3 kilomètres... Puis il est 23h et il faut (re)sortir pour manger. On apprend alors que la "Macarena", la Vierge la plus représentative de Séville, sortira. Et là, c'est l'euphorie. On se retrouve avec d'autres amis, et on checke l'itinéraire sur une application iPhone - oui monsieur - pour savoir où en est l'icône dans la ville. Le CLASH des générations. On arrive à un coin de rue, et là on nous dit de nous arrêter avec l'attroupement. Une légère excitation monte et tout à coup on entend les tambours. Petit à petit la musique monte et le mieux, c'est que vous le voyiez par vous même.



Grosso modo, c'est comme ça "tout le temps". Chaque fraternité a une particularité, par exemple, celle du silencio se déroule dans le silence donc. Il y a la procession des gitans avec sa fanfare, celle de la Macarena qui a pour particularité... la Macarena, etc. Elles sont toutes composées de la même manière, à savoir une introduction avec des pénitents, puis la cruz de guía (sorte de porte-drapeau), encore des pénitents, une première icône sur la vie du Christ, puis généralement un orchestre, puis re des pénitents, puis une vierge, puis un flot de gens qui suivent la Vierge.

Ce que j'en retire
D'abord une troisième note mentale : une nuit comme ça et c'est bon. Il faut quand même être un sacré fan de la Vierge Marie pour se cogner 4 jours (et 4 nuits) de procession. Évidemment toutes les processions ne se font pas de nuit, mais ce sont quand même à mon sens les plus impressionnantes. Ensuite, au-delà de la religion, c'est le travail que la procession suppose. Parce que bon c'est pas conduire un char avec un permis poids lourd. La Vierge elle est portée par des hommes, conduits par un mec qui fait dos au cortège et qui parle sans arrêt (le capataz): "on va tourner à droite, allez on y va, on y va, doucement, on tourne". Souvent ils font passer des messages à caractère trés émotif du style "cette procession on la dédie à notre pote Pedro parce qu'il a eu un accident de voiture et qu'il peut pas nous aider aujourd'hui, alors on la fait pour lui". Je te raconte pas la charge émotionnelle. Et justement, venons-en à l'émotion. Dans le public, surtout au moment du passage de la Macarena, elle est palpable. Elle se traduit dans le long cri que vous avez pu entendre, mais aussi par ni plus ni moins que le chant d'une saeta, c'est-à-dire un chant de flamenco à la gloire de la Vierge. N'importe qui peut se mettre, au moment où la Vierge est déposée, à lui chanter une saeta. Et c'est d'ailleurs le cas sur la vidéo. Plus fort encore : on attend que le chant soit terminé pour relever la Macarena, et on repart. À ce niveau, autant de respect, c'est de la streetcred. Enfin, c'est que Séville est une ville qui est complètement figée dans le temps, non pas dans le sens qu'elle n'a pas su accueillir la modernité, mais plus dans le sens qu'elle est ancrée dans la tradition. Comme je ne sais pas si c'est positif ou négatif, je vous laisse vous faire votre opinion en y allant.

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